Le Jardin d’oubli
Il me souvient, ce jour, des enfances premières
en l’immobile temps d’un été beauceron,
Dans un jardin d’oubli fleuri du liseron
enlaçant le grillage et les roses trémières
Que je cueillais pour toi, mon rouge chaperon.
où sont enfuis les vents – essaimant de l’ailleurs
Les graines balancées des fleurs de pissenlit –
Qui chuchotent, berceurs, ces histoires qu’on lit,
Frimousses se penchant sur les mêmes frayeurs,
Aux rivages sans fin de la mélancolie ?
Nos doigts qui se croisaient, fleurant les raisins mûrs,
Feuilletaient, impatients, les pages dévorées
et le monde bruisseur s’arrêtait à l’orée
D’une sauvage selve enclose dans nos murs
où les lianes pendaient, cernant le prieuré.
Je craignais de te perdre, éphémère compagne
Des solitudes bleues d’une ombre s’épandant
Alors que dans les soirs rougis à l’occident
Montaient, depuis les tours de châteaux en espagne,
Des paons enorgueillis les appels discordants.
Il ne demeure plus, du bel été menteur,
Qu’un frôlement furtif de mèches rebellées
et l’image, si floue, à la croix des allées,
D’une fillette assise auprès de son lecteur,
Fredonnant à mi-voix son doux cantabile.
Guy Vieilfault